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L'Information Psychiatrique

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La fin du non-lieu psychiatrique et son incidence sur le but des institutions françaises médico-légales Volume 85, numéro 8, octobre 2009

Auteur
Psychiatre des hôpitaux honoraire, maître de conférences au collège hospitalier Pitié-Salpêtrière de Paris, conseiller scientifique de l’association Advocacy-France, 31, rue Marc-Sangnier, 91150 Étampes

Le principe de l’irresponsabilité du malade mental est admis dans la plupart des pays d’Europe, où c’est l’autorité judiciaire qui décide de l’hospitalisation comme mesure et non comme sanction. En France, depuis la loi de 1838, c’est l’autorité administrative (le préfet de département) qui en décidait, aussi bien pour les malades mentaux ordinaires que pour les malades criminels. Cela en vertu de l’article 64 du Code pénal de 1810 qui annulait l’acte criminel accompli en état de démence. Cette irresponsabilité pénale entraînait l’irresponsabilité civile et les victimes n’étaient pas indemnisables. Cette situation dura jusqu’à 1968, quand la loi pénalisa le malade reconnu coupable des faits, et cela malgré le non-lieu. La loi du 25 février 2008 (dite loi Dati), en réformant le code de procédure pénale supprime le non-lieu psychiatrique qu’elle remplace par une déclaration d’irresponsabilité pénale qui ne fait pas échapper le sujet à la justice. C’est la justice, qui, après l’instruction et un mini-procès, décidera de la mesure, en fonction des données telles que la dangerosité et les risques de récidive. Ainsi se profilent dans le droit français la « défense sociale nouvelle » et la judiciarisation des mesures relatives aux malades mentaux criminels. La France s’aligne donc sur la plupart des pays européens et anglo-américains. Il en résultera une modification des pratiques avec l’émergence de nouvelles professionnalités en politique psychiatrique et en politique criminelle. La tendance antisociale sera traitée par les équipes psychiatriques et médico-socio-judiciaires. La prévention de la récidive et les mesures de sûreté (faute de prédiction scientifique) seront dictées par l’autorité judiciaire, dans le cadre de sentences relativement indéterminées. Cependant la loi Dati est mal perçue par certains juristes car la justice ne peut intervenir (en France) qu’« a posteriori », c’est-à-dire après l’acte et non avant.