Bulletin du Cancer
MENULe cancer du col utérin : un nouvel espoir grâce à un vaccin thérapeutique Volume 92, numéro 3, Mars 2005
- Mots-clés : cancer du col utérin, vaccin
- Page(s) : 217
- Année de parution : 2005
Auteur(s) : Jean-Philippe Spano
L’efficacité d’un nouveau vaccin pour le traitement du cancer du col utérin vient d’être récemment démontrée chez l’animal par des chercheurs de l’Institut Pasteur associés à l’Inserm et au CNRS et à la société BT Pharma dont les résultats ont été publiés en début d’année dans Cancer Research [1]. Ces résultats apparaissent extrêmement prometteurs et devraient ainsi permettre la mise en place d’essais thérapeutiques très rapidement. Le cancer du col utérin reste à l’échelon mondial le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme et l’association entre cancer du col et papillomavirus humain (HPV) est bien connue, puisque le HPV a été reconnu comme étant impliqué dans 99,7 % des cas de cancer du col [2].Le rôle du HPV dans la carcinogenèse des lésions prénéoplasiques ou néoplasiques du col utérin est actuellement très bien établi, caractérisé par la présence d’ADN de ce virus au sein de ces lésions. Un certain nombre de génotypes de HPV ont pu être identifiés ; cependant ceux-ci diffèrent par leur pouvoir oncogénique, HPV16 étant le plus commun des génotypes à haut risque oncogène. En effet, le classement s’effectue par comparaison de régions génomiques spécifiques (E6, E7 et L1) et, actuellement, plus de 100 génotypes, dont une quarantaine ayant un tropisme anogénital, ont été définis. Parmi eux, les génotypes sont classés en fonction de leur potentiel oncogène en génotype à haut risque (16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 68) ou à bas risque (6, 11, 26, 34, 40, 42 à 44, 53 à 55, 62, 66). La prévalence des génotypes impliqués dans le cancer du col utérin varie en fonction des régions géographiques. Cependant, les HPV16 constituent le génotypes le plus fréquent [3].
Les protéines oncogènes HPV16-E6 et HPV16-E7 sont exprimées par les cellules tumorales grâce à la réplication virale et jouent un rôle clef dans l’induction et le maintien de la prolifération tumorale. Ces protéines constituent de véritables antigènes tumoraux qui peuvent ainsi être des cibles potentielles pour des lymphocytes spécifiques de type CTL (cytotoxic T lymphocytes) utilisés en immunothérapie antitumorale. Par ailleurs, la localisation intracellulaire de ces protéines est responsable d’une réponse immunitaire de type cellulaire qui s’est révélée être plus efficace qu’une réponse immunitaire de type humoral [4].
Le vaccin utilisé dans cette étude [1] est composé de la protéine oncogène HPV16 E7 couplée à une protéine bactérienne, l’adénylate cyclase (CyaA) de Bordetella pertussis, qui joue le rôle de vecteur. Cette protéine bactérienne CyaA est alors capable de stimuler des cellules dendritiques via des interactions spécifiques avec l’intégrine alpha (M) bêta [2]. Il a été ainsi démontré préalablement que CyaA pouvait induire des réponses immunitaires spécifiques de type CD4+ et CD8+ dirigées contre des épitopes de cellules présentatrices d’antigènes restreints au CMH de classes I et II et pouvant ainsi promouvoir une protection antivirale ou antitumorale [5].
Ce vaccin administré à des souris porteuses de tumeurs (C57BL/6), en l’absence de tout autre adjuvant, est capable d’induire des réponses spécifiques de types CTL et Th1 ; il a ainsi pu entraîner une régression tumorale complète chez 100 % des souris testées, et ce, après une seule injection. Les auteurs suggèrent que cette importante efficacité, comparée à celle obtenue avec un peptide adjuvant, est en partie due au vecteur vaccinal utilisé qui permet ainsi de stimuler une des plus performantes cellules présentatrices d’antigènes que sont les cellules dendritiques. De plus, ce vaccin utilisé est un vaccin protéique purifié, stable et facilement reproductible, ce qui lui confère des avantages par rapport aux autres vaccins thérapeutiques en cours d’essais actuellement.
Il s’agit donc de la première étude expérimentale mettant en exergue in vivo l’efficacité antitumorale incontestable d’un vaccin utilisant comme vecteur la protéine bactérienne CyaA, qui se doit d’être confirmée rapidement en clinique, dans le cadre d’essais thérapeutiques, non seulement dans le cancer du col utérin, mais probablement aussi dans d’autres modèles tumoraux, pour lesquels les équipes de Claude Leclerc et de Daniel Ladant sont d’ores et déjà impliquées.
Références
1. Preville X, Ladant D, Timmerman B, Leclerc C. Eradication of established tumors by vaccination with recombinant Bordetella pertussis adenylate cyclase carrying the human papillomavirus 16 E7 oncoprotein. Cancer Res 2005 ; 65 : 641-9.
2. Walboomers JMM, Jacobs MV, Manos MM, et al. Human papillomavirus is a necessary cause of invasive cervical cancer. J Pathol 1999 ; 189 : 12-9.
3. Spano JP, Marcelin AG, Carcelin G. Cancer et infection à papillomavirus humain. Bull Cancer 2005 ; 92 : 59-64.
4. Gunn GR, Zubair A, Peters C, Pan ZK, Wu TC, Paterson Y. Two listeria monocytogenes vaccine vectors that express different molecular forms of human papilloma virus-16 E7 induce qualitatively different T cell immunity that correlates with their ability to induce regression of established tumors immortalized by HPV-16. J Immunology 2001 ; 167 : 6471-9.
5. Fayolle C, Osickova A, Osicka R, et al. Delivery of multiple epitopes by recombinant detoxified adenylate cyclase of Bortella pertussis induces protective antivial immunity. J Virol 2001 ; 75 : 7330-8.